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La circulation de l’information, le maintien de la cohésion, y compris avec des personnes qui travaillent durablement à distance, seront les points d’attention des managers pour 2023.

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Dans un contexte géopolitique tendu, 83 % des Français considèrent l’avenir comme "inquiétant" (sondage Ifop/Rencontres de l’avenir). "Quiet quitting", "grande démission", "années molles *", les réactions aux crises se manifestent en entreprises sous la forme d’un désengagement. Près de la moitié des décideurs estiment que les collaborateurs ne sont "pas vraiment" ou "pas du tout motivés" (Le Baromètre des Décideurs).

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Les managers, fortement sollicités, doivent-ils lutter contre ce repli sur soi ? Ou doivent-ils vivre avec en attendant des jours meilleurs ?

Un glissement du monde vers plus d’anxiété

Les managers ont accepté aujourd’hui l’incertitude chronique comme leur nouvel environnement de travail et de décision. Les acronymes qualifiant le monde eux-mêmes évoluent. Issu des années 80, le monde dit "VUCA" (Volatil, Incertain, Complexe et Ambigu) devient insuffisant pour rendre compte de l’environnement actuel dans lequel évoluent les entreprises. Aujourd’hui, l’acronyme BANI (Brittle, Anxious, Non-Linear, Incomprehensible) rend compte de façon plus fine du climat général et des difficultés auxquelles sont confrontés les décideurs.

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Le monde est devenu "friable" (Brittle), tel une coquille d’œuf, puisque certains fondamentaux sont totalement bousculés (paix en Europe, sécurité des approvisionnements en énergie, pérennité de l’environnement). Ces changements par leur brutalité, autant que par l’absence de solutions, génèrent un climat "anxiogène" (Anxious) : les menaces se multiplient et touchent le collectif mais aussi chacun personnellement. La "non-linéarité" (Non-Linear) s’exprime par des évènements qui se déroulent selon une trajectoire inconnue ou incontrôlable, à l’image des courbes épidémiques, des prix de l’énergie ou de l’inflation. La prévision fine est empêchée, le passé ne suffit plus à penser l’avenir, ce qui accroît l’inquiétude des parties prenantes. Enfin, le monde devient "incompréhensible", puisqu’il porte en son sein de nombreux paradoxes économiques, sociaux et politiques difficiles à expliquer.

Dans ce contexte, les managers demeurent, trois ans après le début de la crise sanitaire, fortement sollicités dans leurs organisations.

Mollesse, épidémie de flemme et "cherry picking"

Les crises déclenchent toutes sortes de réactions. Les entreprises font face à différentes formes de désertion, que cela soit sous forme de "quiet quitting", grande démission, demandes appuyées de télétravail, ou encore multiplications des arrêts maladies et burn-out.

Des managers s’inquiètent de voir des bureaux vides à 18 heures et s’interrogent sur leur propre capacité à motiver. Les collaborateurs n’hésitent plus à décliner des réunions à 16h30 car ils vont chercher leurs enfants à l’école, ce qui était tout bonnement impensable il y a encore quelques mois.

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Le recrutement est également devenu une zone de tension où l’inventivité devient critique. Cultiver la "marque employeur", donner du sens, travailler la raison d’être, multiplier les garanties de flexibilité du travail, organiser des forums d’embauche en présentiel pour faire venir des candidats (ces derniers ne répondent plus aux annonces) : la panoplie d’outils est large pour rendre l’entreprise "désirable".

Le rapport de force reste pour le moment inversé entre employeurs et candidats. Même le CDI, "sésame" en France pour louer un logement ou emprunter, n’attire plus toujours les candidats. Ces derniers n’hésitent pas à imposer le CDD, plus adapté à leur état d’esprit. En somme, les candidats font du "cherry picking", sorte de sélection fine, choisissant soigneusement leur entreprise, le temps qu’ils dédient à leur travail, le sens, la qualité des managers, ou encore l’équilibre vie professionnelle/vie privée. Un vrai défi, pour ne pas dire un casse-tête, pour les entreprises.

Affronter 2023 dans les meilleures conditions possibles

En premier lieu, le repos reste indispensable. La pause de fin d’année est l’occasion de reprendre son souffle, en se prémunissant contre d’éventuelles sollicitations du bureau.

Compte tenu de l’accroissement des tensions sociales, et du durcissement de ton observé dans la plupart des syndicats (approche de la réforme des retraites, grève des transports en cours etc..), il semble pertinent de continuer de se former, que cela soit en négociation, gestion de crise ou soft skills. Si les entreprises sont devenues résilientes par la force des choses (certaines ont fait un'Retex'- retours d’expérience - de la gestion de crise), aucune n’est à l’abri de durcissement des tensions en interne. Les managers sont les premiers à pouvoir négocier et désamorcer les conflits. Certaines études indiquent que des "one-to-one" réguliers avec le manager (chaque semaine par exemple) améliorent considérablement le niveau d’engagement et de bien-être (+ 50 %).

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Enfin, lorsque le brouillard s’épaissit, la stratégie et sa déclinaison au sein de l’entreprise deviennent essentielles. Les managers travaillent la stratégie dans leur périmètre. Plus elle est claire, plus elle permet des prises de décisions alignées. La circulation de l’information, le maintien de la cohésion, y compris avec des personnes qui travaillent durablement à distance, seront les points d’attention des managers pour 2023.

Les managers restent des pivots au sein des entreprises et leur engagement ne faiblit pas. Mieux armés depuis la crise sanitaire, plus agiles, ils continuent sans relâche de s’adapter à un monde en mutation, faisant preuve de créativité, souffrant également plus que les autres de fatigue ou de burn-out. Si aucun ne s’attend au retour au monde d’avant, beaucoup espèrent quelques accalmies pour 2023, que cela soit sur le front de l’emploi, du climat social, ou des tensions liées aux crises géopolitiques.

* Marine Balansard est diplômée de Sciences Po Paris, d'un master en Marchés de Capitaux et Finance d'Entreprise et exerce au sein du cabinet de Conseil et Formation ARISEAL en tant que DG. Marine Balansard est co-auteur de l'ouvrage "Décider ça se travaille" aux éditions Eyrolles.

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